quarta-feira, 10 de julho de 2019

Jean-Michel Charlier et moi – Jean-Michel Charlier e eu

Jean-Michel Charlier


JEAN-MICHEL CHARLIER ET MOI

C’est par l’intermédiaire de l’album « Fort Navajo », une aventure du lieutenant Blueberry dessinée par Jean Giraud, que s’établit mon premier contact avec Jean-Michel Charlier. Ce devait être en 1968, pendant l’été, car j’étais en colonie de vacances… J’avais donc dix ans. Ce fut un véritable choc ! Certes, j’avais bien lu d’autres bandes dessinées avant — ma grand-mère m’avait abonné à Vaillant (le journal de Pif, qui allait devenir Pif-gadget peu de temps après), puis au Journal de Spirou, et j’avais également dévoré plusieurs albums de « Tintin » —, mais avec cet album de la collection Pilote, je passais dans une autre dimension : je basculais dans le monde de l’aventure avec un grand A, dans un monde bien plus adulte !

Devenu l’animateur d’un fanzine qui eut son heure de gloire (Dommage, prix fanzine à Angoulême en 1983), je fréquentais assidûment les salons de bandes dessinées et j’aperçu souvent, au détour d’un stand, la silhouette si particulière, un peu à la Orson Welles, de cet immense scénariste, cigare en bouche : et oui, à cette époque-là, on fumait encore dans les lieux publics ! Déjà, de nombreuses légendes couraient sur lui dans le milieu : on y parlait de ses facultés incroyables d’imagination, de ses talents de conteur (il était capable de captiver toute une assemblée dès qu’il ouvrait la bouche), de ses combats avec les éditeurs pour défendre les droits des auteurs, mais aussi de ses retards pour fournir la suite des récits qu’il écrivait et des excuses incroyables qu’il inventait pour s’en justifier.

C’est grâce au regretté François Defaye que je vais, enfin, rencontrer pour de bon, celui que l’on surnommera plus tard l’Alexandre Dumas de la bande dessinée. Contacté par le CNBDI (ancêtre de la Cité de l’image d’Angoulême), François va être chargé, en 1987, de la conception d’une vidéo sur Jean-Michel Charlier dont une version remaniée passera sur la 7, en 1989. Pour ce faire, il me propose de collaborer sur ce projet, car il connaît ma passion pour l’œuvre de ce grand scénariste : je vais alors conduire l’intégralité de l’interview et passer trois jours formidables en compagnie de Jean-Michel, dans son appartement de Saint-Cloud, aux éditions Dargaud, au Bourget et dans l’atelier de montage de ses documentaires pour la télévision. Je ne pourrais alors que confirmer son incroyable capacité à raconter, captivant tous ceux qui avaient la chance de l’écouter. Je retranscrirai ensuite l’intégralité de ces entrevues pour le n° 44 de la revue spécialisée Hop ! qui lui a été entièrement consacré, au troisième trimestre 1988…

Or, un jour, François Defaye devient directeur artistique et des programmes du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (de juillet 1991 à mai 1998). Il reprend contact avec moi et me charge de l’écriture des communiqués de presse et autres rédactionnels de cet événement, ainsi que du commissariat de nombreuses expositions : Hermann, European Comics : Another Image, Les 50 ans du Lombard, André Juillard, Peyo, Le Cycle de Cyann, Planètes BD… Et une, très importante, consacrée à Jean-Michel Charlier, en 1995. C’est ainsi que je participe à l’ouvrage de Guy Vidal « Jean-Michel Charlier : un réacteur sous la plume » (aux éditions Dargaud), biographie de l’auteur qui sert, alors, de catalogue à l’expo et à laquelle je fournis la bibliographie, documentation et information.

Après diverses autres expériences et déconvenues professionnelles, François Defaye décidera de monter sa propre maison d’édition, en 2005 : Sangam. On se retrouve pour l’occasion, car il veut rééditer mon livre sur l’histoire de la BD francophone vue par les scénaristes : « Avant la case », publié à l’origine chez PLG, en 2002.

Il me demande aussi de lui proposer des projets. Il se trouve que j’en avais deux : une « Anthologie de la bande dessinée européenne » (projet coûteux qui ne vit jamais le jour, alors que j’avais l’assurance de la participation d’excellents professionnels comme Patrick Gaumer, Didier Quella-Guyot ou Laurent Turpin) et une collection qui reprendrait les œuvres oubliées de Jean-Michel Charlier dans des tirages limités à 1 000 exemplaires, destinés surtout aux collectionneurs. Dans un premier temps, je lui propose de rééditer « Clairette » avec Albert Uderzo, « Kim Devil » avec Gérald Forton, « Guy Lebleu » avec Raymond Poïvet, « Thierry le chevalier » avec Carlos Laffond, « Michel Brazier » avec André Chéret, « Simba Lee » avec Herbert, « Marc Dacier », « André Lefort + Ned Tiger » et « Jean Valhardi » avec Eddy Paape. À l’exception de ceux dessinés par Paape (les discussions avec l’ayant droit n’ayant pas abouti), tous ces projets finiront par voir le jour, que ce soit chez Sangam pour les trois premiers ou chez Fordis qui a repris, avec brio, la Collection Jean-Michel Charlier, en 2015.

François Defaye connaît bien Philippe Charlier, le fils de Jean-Michel, et s’enthousiasme sur ma proposition. Il contacte rapidement l’ayant droit et l’affaire est aussitôt faite : Philippe Charlier se trouvant en confiance avec François et même avec moi, car il avait apprécié mon travail dans Hop ! et sur l’expo consacrée à son père à Angoulême (expo qui avait même été remontée au salon du Bourget). Le premier volume (« Clairette ») paraît en 2009 et je suis bombardé responsable de la collection, proposant les séries à rééditer et écrivant les textes de présentation. Coup de bol, le maquettiste choisi par François, l’excellent Philippe Poirier, est aussi un amateur de l’œuvre de Charlier et nous sommes tous sur la même longueur d’onde. Seulement, voilà, François veut se passer de diffuseur (les ouvrages seront donc peu exposés en librairies) et même si tout se vend – du moins pour le « Clairette » et les 3 premiers « Kim Devil » —, les ouvrages ne sont pas proposés assez chers pour payer tout le monde et, surtout, pour libérer un salaire décent à l’éditeur.

Pourtant, les idées ne manquent pas, comme cette superbe exposition sur notre scénariste favori que nous monterons et mettrons en scène pour le festival de Chambéry. Philippe Poirier en est le concepteur graphique, François Defaye le producteur exécutif, et j’en écris tous les textes et choisis les documents sous la houlette bienveillante de Philippe Charlier. Quoi qu’il en soit, François décède malheureusement le 4 mai 2013, victime d’une crise cardiaque, à l’âge de 56 ans, alors qu’il s’était associé avec la maison d’édition littéraire bordelaise Le Castor astral, depuis 2012 ; notamment pour poursuivre la Collection Jean-Michel Charlier et publier une biographie exhaustive de notre Alexandre Dumas du 9e art dont il m’avait chargé de la rédaction, toujours avec l’aval de Philippe Charlier. Tiré à 2 000 exemplaires par Le Castor astral, cet imposant ouvrage, très illustré (et fort bien maquetté par Philippe Poirier), rencontrera son public et restera la référence en ce domaine.

En ce moment de la célébration du trentième anniversaire du décès de Jean-Michel Charlier, je ne peux m’empêcher de penser à la réponse que ce dernier me donna, en 1987, en conclusion de ma longue interview réalisée pour le documentaire filmé réalisé par le CNBDI : « Chaque fois que j’ai une nouvelle idée, j’ai tout de suite envie de la concrétiser par une bande dessinée, par un grand reportage, ou par un film pour la télévision. Je crois que c’est une façon de rester jeune jusqu’à un certain point. Ce qui fait que, tout en modérant quand même mes activités, car je commence à me sentir un peu fatigué, je pense que je continuerai à produire, si le ciel le veut bien évidemment, et tant que la machine tiendra bon ! J’espère seulement, comme disent les Américains, mourir un jour debout dans mes bottes ! » Je ne pensais vraiment pas, à ce moment-là, que ce jour viendrait si rapidement…

Gilles RATIER


Gilles Ratier


JEAN-MICHEL CHARLIER E EU

Foi pelo intermédio do álbum «Forte Navajo», uma aventura do tenente Blueberry desenhada por Jean Giraud, que se estabeleceu o meu primeiro contato com Jean-Michel Charlier. Isso devia ser em 1968, durante o verão, porque eu estava em colônia de férias. Eu tinha então dez anos. Aquilo foi um verdadeiro choque! Certamente, eu li muitas outras histórias em quadrinhos antes – minha avó assinou para mim Vaillant (le journal de Pif, que iria se tornar Pif-gadget pouco tempo depois), em seguida Journal de Spirou, e eu devorei igualmente vários álbuns de «Tintin» - mas com esse álbum da coleção Pilote, eu passei a outra dimensão: eu oscilava no mundo da aventura com um grande A, em um mundo bem mais adulto!

Tornado o animador de um fanzine que teve sua hora de glória (Dommage, prêmio fanzine em Angoulême em 1983), eu frequentei assiduamente os salões de histórias em quadrinhos e eu percebi, frequentemente, ao rodeio de um stand, a silhueta particular, um pouco à la Orson Welles, daquele imenso roteirista, charuto na boca: e sim, naquela época, se fumava ainda em locais públicos! Já, numerosas lendas corriam sobre ele no meio: se falava de suas faculdades incríveis de imaginação, de seus talentos de contador de histórias (ele era capaz de cativar toda uma assembleia desde que ele abria a boca), de seus combates com os editores para defender os direitos dos autores, mas também de seus atrasos para fornecer a sequência das narrativas que ele escrevia e das desculpas incríveis que ele inventava para se justificar.

Foi graças ao saudoso François Defaye que eu iria, enfim, encontrar, realmente, aquele que se apelidará, mais tarde, o Alexandre Dumas da história em quadrinhos. Contatado pela CNBDI (ancestral da Cité de l’image d’Angoulême), François vai ser encarregado, em 1987, da concepção de um vídeo sobre Jean-Michel Charlier, de cujo uma versão remanejada passará no 7, em 1989. Para fazer aquilo, ele me propôs de colaborar naquele projeto, pois ele conhecia minha paixão pela obra daquele grande roteirista: eu iria então conduzir a integralidade da entrevista e passar três dias formidáveis em companhia de Jean-Michel, em seu apartamento de Saint-Cloud, nas edições Dargaud, em Le Bourget, e no ateliê de montagem de seus documentários para a televisão. Eu poderia então confirmar sua incrível capacidade de contar, apaixonando todos aqueles que tinham a sorte de escutá-lo. Eu retranscreveria em seguida a integralidade daquelas entrevistas para o nº 44 da revista especializa Hop ! que a ele foi inteiramente consagrada, no terceiro trimestre de 1988...

Ora, um dia, François Defaye se tornou diretor artístico e dos programas do Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (de julho de 1991 a maio de 1998). Ele retoma contato comigo e me encarrega da escritura dos comunicados de imprensa e outros redacionais daquele evento, assim como do comissariado de numerosas exposições: Hermann, European Comics : Another Image, Les 50 ans du Lombard, André Juillard, Peyo, Le Cycle de Cyann, Planètes BD… E uma, muito importante , consagrada a Jean-Michel Charlier, em 1995. Foi assim que eu participei da obra de Guy Vidal «Jean-Michel Charlier. Un réacteur sous la plume» (nas edições Dargaud), biografia do autor que serve, então, de catálogo na exposição e a qual eu forneci a bibliografia, documentação e informação.

Após diversas outras experiências e decepções profissionais, François Defaye decidirá montar sua própria editora, em 2005: Sangam. Nós nos encontramos para a ocasião, pois ele queria reeditar meu livro sobre a história da HQ francófona vista pelos roteiristas: «Avant la case», publicado originalmente pela PLG, em 2002.

Ele também me pediu para propor-lhe projetos. Aconteceu que eu tinha dois: uma «Anthologie de la bande dessinée européenne» (projeto custoso que nunca viu a luz, então que eu tinha seguro a participação de excelentes profissionais como Patrick Gaumer, Didier Quella-Guyot e Laurent Turpin) e uma coleção que retomaria as obras esquecidas de Jean-Michel Charlier em tiragens limitadas a 1000 exemplares, destinadas, sobretudo, aos colecionadores. Em primeiro lugar, eu propus a ele reeditar «Clairette» com Albert Uderzo, «Kim Devil» com Gérald Forton, «Guy Lebleu» com Raymond Poïvet, «Thierry le chevalier» com Carlos Laffond, «Michel Brazier» com André Chéret, «Simba Lee» com Herbert, «Marc Dacier», «André Lefort + Ned Tiger» et «Jean Valhardi» com Eddy Paape. À exceção daquelas desenhadas por Paape (as discussões com o detentor dos direitos autorais não tiveram êxito), todos esses projetos findaram por ver a luz, quer seja em Sangam, para as três primeiras, ou em Fordis que retomou, com brio, a Collection Jean-Michel Charlier, em 2015.

François Defaye conhece bem Philippe Charlier, o filho de Jean-Michel, e se entusiasma sobre minha proposta. Ele contata rapidamente o detentor dos direitos autorais e, imediatamente, o negócio é feito: Philippe Charlier encontra-se em confiança com François e mesmo comigo, pois ele apreciou meu trabalho em Hop ! e sobre a exposição consagrada a seu pai em Angoulême (exposição que havia até mesmo sido remontada no salão de Bourget). O primeiro volume («Clairette») aparece em 2009 e eu sou, bombardeado, responsável da coleção, propondo as séries a reeditar e escrevendo os textos de apresentação. Golpe de sorte, o diagramador escolhido por François, o excelente Philippe Poirier, é também um amante da obra de Charlier e nós somos todos sobre o mesmo comprimento de onda. Somente, aqui, François quis se passar de difusor (as obras serão então pouco expostas em livrarias) e mesmo se tudo se vende – pelo menos para «Clairette» e os três primeiros «Kim Devil» -, as obras não são propostas bastante caras para pagar todo mundo e, sobretudo, para liberar um salário decente ao editor.

Portanto, as ideias não faltaram, como aquela soberba exposição sobre nosso roteirista favorito que nós montamos e colocamos em cena para o festival de Chambéry. Philippe Poirier foi o conceptor gráfico, François Defaye o produtor executivo e eu escrevi os textos e escolhi os documentos sob o cajado benevolente de Philippe Charlier. O quê quer que seja, François falece, infelizmente, em 4 de maio de 2013, vítima de uma crise cardíaca, à idade de 56 anos, enquanto ele estava associado com a editora literária bordalesa Le Castor Astral, desde 2012; particularmente para prosseguir a Collection Jean-Michel Charlier e publicar uma biografia exaustiva de nosso Alexandre Dumas da 9ª arte, em cuja ele me encarregou da redação, sempre com o aval de Philippe Charlier. Impressa em 2000 exemplares por Le Castor Astral, essa imponente obra, muito ilustrada (e muito bem diagramada por Philippe Poirier), encontrará seu público e ficará a referência nesse domínio.

         Nesse momento da celebração do trigésimo aniversário do falecimento de Jean-Michel Charlier, eu não posso me impedir de pensar na resposta que ele me deu, em 1987, na conclusão de minha longa entrevista realizada para o documentário filmado realizado pela CNBDI: «Cada vez que eu tenho uma nova ideia, eu imediatamente desejo concretizá-la por uma história em quadrinhos, por uma grande reportagem, ou por um filme para a televisão. Eu creio que é um modo de ficar jovem até certo ponto. Isso que faz que, em tudo moderando assim mesmo minhas atividades, pois eu começo a me sentir um pouco fadigado, eu penso que eu continuarei a produzir, se o céu o quiser bem evidentemente, e enquanto a máquina se mantiver boa! Eu espero somente, como dizem os americanos, morrer um dia em pé em minhas botas!» Eu não pensei verdadeiramente, naquele momento, que aquele dia viria tão rapidamente...

Gilles Ratier


Imagens: 1) Jean-Michel Charlier: extrato da divulgação do livro “Jean-Michel Charlier vous raconte...” pela editora Le Castor Astral. 2) Gilles Ratier: fotografia do escritor com “Jean-Michel Charlier vous raconte...”, livro de sua autoria – arquivo pessoal. 3) Logomarca da homenagem do blogue Blueberry a Jean-Michel Charlier por ocasião dos 30 anos de sua morte (1989 – 2019).

Jean-Michel Charlier et moi © Gilles Ratier 2019


Un grand merci à Gilles Ratier pour le texte, exclusif pour le blog Blueberry, en hommage à Jean-Michel Charlier, l’Alexandre Dumas de la bande dessinée, pour occasion des 30 années du son décès.

Um grande agradecimento a Gilles Ratier pelo texto, exclusivo para o blogue Blueberry, em homenagem a Jean-Michel Charlier, o Alexandre Dumas da história em quadrinhos, por ocasião dos 30 anos do seu falecimento.

Afrânio Braga