Jean-Michel Charlier
JEAN-MICHEL
CHARLIER ET MOI
C’est par l’intermédiaire de l’album
« Fort Navajo », une aventure du lieutenant Blueberry dessinée par
Jean Giraud, que s’établit mon premier contact avec Jean-Michel Charlier. Ce
devait être en 1968, pendant l’été, car j’étais en colonie de vacances… J’avais
donc dix ans. Ce fut un véritable choc ! Certes, j’avais bien lu d’autres
bandes dessinées avant — ma grand-mère m’avait abonné à Vaillant (le journal de Pif, qui allait devenir Pif-gadget peu de temps après), puis au Journal de Spirou, et j’avais également
dévoré plusieurs albums de « Tintin » —, mais avec cet album de la
collection Pilote, je passais dans
une autre dimension : je basculais dans le monde de l’aventure avec un
grand A, dans un monde bien plus adulte !
Devenu l’animateur d’un fanzine qui eut
son heure de gloire (Dommage, prix
fanzine à Angoulême en 1983), je fréquentais assidûment les salons de bandes
dessinées et j’aperçu souvent, au détour d’un stand, la silhouette si
particulière, un peu à la Orson Welles, de cet immense scénariste, cigare en
bouche : et oui, à cette époque-là, on fumait encore dans les lieux
publics ! Déjà, de nombreuses légendes couraient sur lui dans le
milieu : on y parlait de ses facultés incroyables d’imagination, de ses
talents de conteur (il était capable de captiver toute une assemblée dès qu’il
ouvrait la bouche), de ses combats avec les éditeurs pour défendre les droits
des auteurs, mais aussi de ses retards pour fournir la suite des récits qu’il
écrivait et des excuses incroyables qu’il inventait pour s’en justifier.
C’est grâce au regretté François Defaye
que je vais, enfin, rencontrer pour de bon, celui que l’on surnommera plus tard
l’Alexandre Dumas de la bande dessinée. Contacté par le CNBDI (ancêtre de la
Cité de l’image d’Angoulême), François va être chargé, en 1987, de la
conception d’une vidéo sur Jean-Michel Charlier dont une version remaniée
passera sur la 7, en 1989. Pour ce faire, il me propose de collaborer sur ce
projet, car il connaît ma passion pour l’œuvre de ce grand scénariste : je
vais alors conduire l’intégralité de l’interview et passer trois jours
formidables en compagnie de Jean-Michel, dans son appartement de Saint-Cloud,
aux éditions Dargaud, au Bourget et dans l’atelier de montage de ses
documentaires pour la télévision. Je ne pourrais alors que confirmer son
incroyable capacité à raconter, captivant tous ceux qui avaient la chance de
l’écouter. Je retranscrirai ensuite l’intégralité de ces entrevues pour le
n° 44 de la revue spécialisée Hop ! qui lui a été entièrement
consacré, au troisième trimestre 1988…
Or, un jour, François Defaye devient
directeur artistique et des programmes du Festival international de la bande
dessinée d’Angoulême (de juillet 1991 à mai 1998). Il reprend contact avec moi
et me charge de l’écriture des communiqués de presse et autres rédactionnels de
cet événement, ainsi que du commissariat de nombreuses expositions :
Hermann, European Comics : Another Image, Les 50 ans du Lombard, André
Juillard, Peyo, Le Cycle de Cyann, Planètes BD… Et une, très importante,
consacrée à Jean-Michel Charlier, en 1995. C’est ainsi que je participe à
l’ouvrage de Guy Vidal « Jean-Michel Charlier : un réacteur sous la
plume » (aux éditions Dargaud), biographie de l’auteur qui sert, alors, de
catalogue à l’expo et à laquelle je fournis la bibliographie, documentation et
information.
Après diverses autres expériences et déconvenues
professionnelles, François Defaye décidera de monter sa propre maison
d’édition, en 2005 : Sangam. On se retrouve pour l’occasion, car il veut
rééditer mon livre sur l’histoire de la BD francophone vue par les
scénaristes : « Avant la case », publié à l’origine chez PLG, en
2002.
Il me demande aussi de lui proposer des projets. Il se
trouve que j’en avais deux : une « Anthologie de la bande dessinée
européenne » (projet coûteux qui ne vit jamais le jour, alors que j’avais
l’assurance de la participation d’excellents professionnels comme Patrick
Gaumer, Didier Quella-Guyot ou Laurent Turpin) et une collection qui
reprendrait les œuvres oubliées de Jean-Michel Charlier dans des tirages
limités à 1 000 exemplaires, destinés surtout aux collectionneurs. Dans un
premier temps, je lui propose de rééditer « Clairette » avec Albert
Uderzo, « Kim Devil » avec Gérald Forton, « Guy Lebleu »
avec Raymond Poïvet, « Thierry le chevalier » avec Carlos Laffond,
« Michel Brazier » avec André Chéret, « Simba Lee » avec
Herbert, « Marc Dacier », « André Lefort + Ned Tiger » et
« Jean Valhardi » avec Eddy Paape. À l’exception de ceux dessinés par
Paape (les discussions avec l’ayant droit n’ayant pas abouti), tous ces projets
finiront par voir le jour, que ce soit chez Sangam pour les trois premiers ou
chez Fordis qui a repris, avec brio, la Collection
Jean-Michel Charlier, en 2015.
François Defaye connaît bien Philippe Charlier, le
fils de Jean-Michel, et s’enthousiasme sur ma proposition. Il contacte
rapidement l’ayant droit et l’affaire est aussitôt faite : Philippe
Charlier se trouvant en confiance avec François et même avec moi, car il avait
apprécié mon travail dans Hop ! et sur l’expo consacrée à son père
à Angoulême (expo qui avait même été remontée au salon du Bourget). Le premier
volume (« Clairette ») paraît en 2009 et je suis bombardé responsable de la collection,
proposant les séries à rééditer et écrivant les textes de présentation. Coup de
bol, le maquettiste choisi par François, l’excellent Philippe Poirier, est
aussi un amateur de l’œuvre de Charlier et nous sommes tous sur la même
longueur d’onde. Seulement, voilà, François veut se passer de diffuseur (les
ouvrages seront donc peu exposés en librairies) et même si tout se vend – du
moins pour le « Clairette » et les 3 premiers « Kim Devil »
—, les ouvrages ne sont pas proposés assez chers pour payer tout le monde et,
surtout, pour libérer un salaire décent à l’éditeur.
Pourtant, les idées ne manquent pas, comme cette
superbe exposition sur notre scénariste favori que nous monterons et mettrons
en scène pour le festival de Chambéry. Philippe Poirier en est le concepteur
graphique, François Defaye le producteur exécutif, et j’en écris tous les
textes et choisis les documents sous la houlette bienveillante de Philippe
Charlier. Quoi qu’il en soit, François décède malheureusement le 4 mai 2013,
victime d’une crise cardiaque, à l’âge de 56 ans, alors qu’il s’était associé
avec la maison d’édition littéraire bordelaise Le Castor astral, depuis
2012 ; notamment pour poursuivre la Collection
Jean-Michel Charlier et publier une biographie exhaustive de notre
Alexandre Dumas du 9e art dont il m’avait chargé de la rédaction,
toujours avec l’aval de Philippe Charlier. Tiré à 2 000 exemplaires par Le
Castor astral, cet imposant ouvrage, très illustré (et fort bien maquetté par
Philippe Poirier), rencontrera son public et restera la référence en ce
domaine.
En ce moment de la célébration du trentième
anniversaire du décès de Jean-Michel Charlier, je ne peux m’empêcher de penser
à la réponse que ce dernier me donna, en 1987, en conclusion de ma longue
interview réalisée pour le documentaire filmé réalisé par le CNBDI : « Chaque
fois que j’ai une nouvelle idée, j’ai tout de suite envie de la concrétiser par
une bande dessinée, par un grand reportage, ou par un film pour la télévision.
Je crois que c’est une façon de rester jeune jusqu’à un certain point. Ce qui
fait que, tout en modérant quand même mes activités, car je commence à me
sentir un peu fatigué, je pense que je continuerai à produire, si le ciel le
veut bien évidemment, et tant que la machine tiendra bon ! J’espère
seulement, comme disent les Américains, mourir un jour debout dans mes
bottes ! » Je ne pensais vraiment pas, à ce
moment-là, que ce jour viendrait si rapidement…
Gilles
RATIER
Gilles Ratier
JEAN-MICHEL
CHARLIER E EU
Foi pelo intermédio do
álbum «Forte Navajo», uma aventura do tenente Blueberry desenhada por Jean
Giraud, que se estabeleceu o meu primeiro contato com Jean-Michel Charlier. Isso
devia ser em 1968, durante o verão, porque eu estava em colônia de férias. Eu
tinha então dez anos. Aquilo foi um verdadeiro choque! Certamente, eu li muitas
outras histórias em quadrinhos antes – minha avó assinou para mim Vaillant (le journal de Pif, que iria se tornar Pif-gadget pouco tempo depois), em seguida Journal de Spirou, e eu devorei igualmente vários álbuns de «Tintin»
- mas com esse álbum da coleção Pilote,
eu passei a outra dimensão: eu oscilava no mundo da aventura com um grande A,
em um mundo bem mais adulto!
Tornado o animador de
um fanzine que teve sua hora de glória (Dommage,
prêmio fanzine em Angoulême em 1983), eu frequentei assiduamente os salões de
histórias em quadrinhos e eu percebi, frequentemente, ao rodeio de um stand, a
silhueta particular, um pouco à la Orson Welles, daquele imenso roteirista, charuto
na boca: e sim, naquela época, se fumava ainda em locais públicos! Já,
numerosas lendas corriam sobre ele no meio: se falava de suas faculdades
incríveis de imaginação, de seus talentos de contador de histórias (ele era
capaz de cativar toda uma assembleia desde que ele abria a boca), de seus
combates com os editores para defender os direitos dos autores, mas também de
seus atrasos para fornecer a sequência das narrativas que ele escrevia e das
desculpas incríveis que ele inventava para se justificar.
Foi graças ao saudoso François
Defaye que eu iria, enfim, encontrar, realmente, aquele que se apelidará, mais
tarde, o Alexandre Dumas da história em quadrinhos. Contatado pela CNBDI
(ancestral da Cité de l’image d’Angoulême), François vai ser encarregado, em
1987, da concepção de um vídeo sobre Jean-Michel Charlier, de cujo uma versão
remanejada passará no 7, em 1989. Para fazer aquilo, ele me propôs de colaborar
naquele projeto, pois ele conhecia minha paixão pela obra daquele grande
roteirista: eu iria então conduzir a integralidade da entrevista e passar três
dias formidáveis em companhia de Jean-Michel, em seu apartamento de
Saint-Cloud, nas edições Dargaud, em Le Bourget, e no ateliê de montagem de
seus documentários para a televisão. Eu poderia então confirmar sua incrível
capacidade de contar, apaixonando todos aqueles que tinham a sorte de
escutá-lo. Eu retranscreveria em seguida a integralidade daquelas entrevistas
para o nº 44 da revista especializa Hop !
que a ele foi inteiramente consagrada, no terceiro trimestre de 1988...
Ora, um dia, François Defaye se
tornou diretor artístico e dos programas do Festival international de la bande
dessinée d’Angoulême (de julho de 1991 a maio de 1998). Ele retoma contato comigo
e me encarrega da escritura dos comunicados de imprensa e outros redacionais daquele
evento, assim como do comissariado de numerosas exposições: Hermann, European
Comics : Another Image, Les 50 ans du Lombard, André Juillard, Peyo, Le
Cycle de Cyann, Planètes BD… E uma, muito importante , consagrada a Jean-Michel
Charlier, em 1995. Foi assim que eu participei da obra de Guy Vidal «Jean-Michel
Charlier. Un réacteur sous la plume» (nas edições Dargaud), biografia do autor que
serve, então, de catálogo na exposição e a qual eu forneci a bibliografia,
documentação e informação.
Após diversas outras experiências e decepções
profissionais, François Defaye decidirá montar sua própria editora, em 2005:
Sangam. Nós nos encontramos para a ocasião, pois ele queria reeditar meu livro
sobre a história da HQ francófona vista pelos roteiristas: «Avant la case»,
publicado originalmente pela PLG, em 2002.
Ele também me pediu para propor-lhe
projetos. Aconteceu que eu tinha dois: uma «Anthologie de la bande dessinée
européenne» (projeto custoso que nunca viu a luz, então que eu tinha seguro a
participação de excelentes profissionais como Patrick Gaumer, Didier
Quella-Guyot e Laurent Turpin) e uma coleção que retomaria as obras esquecidas
de Jean-Michel Charlier em tiragens limitadas a 1000 exemplares, destinadas,
sobretudo, aos colecionadores. Em primeiro lugar, eu propus a ele reeditar
«Clairette» com Albert Uderzo, «Kim Devil» com Gérald Forton, «Guy Lebleu» com
Raymond Poïvet, «Thierry le chevalier» com Carlos Laffond, «Michel Brazier» com
André Chéret, «Simba Lee» com Herbert, «Marc Dacier», «André Lefort + Ned
Tiger» et «Jean Valhardi» com Eddy Paape. À exceção daquelas desenhadas por
Paape (as discussões com o detentor dos direitos autorais não tiveram êxito),
todos esses projetos findaram por ver a luz, quer seja em Sangam, para as três
primeiras, ou em Fordis que retomou, com
brio, a Collection
Jean-Michel Charlier, em 2015.
François Defaye conhece bem Philippe
Charlier, o filho de Jean-Michel, e se entusiasma sobre minha proposta. Ele
contata rapidamente o detentor dos direitos autorais e, imediatamente, o
negócio é feito: Philippe Charlier encontra-se em confiança com François e
mesmo comigo, pois ele apreciou meu trabalho em Hop ! e sobre a exposição consagrada a seu pai em Angoulême
(exposição que havia até mesmo sido remontada no salão de Bourget). O primeiro
volume («Clairette») aparece em 2009 e eu sou, bombardeado, responsável da
coleção, propondo as séries a reeditar e escrevendo os textos de apresentação.
Golpe de sorte, o diagramador escolhido por François, o excelente Philippe
Poirier, é também um amante da obra de Charlier e nós somos todos sobre o mesmo
comprimento de onda. Somente, aqui, François quis se passar de difusor (as
obras serão então pouco expostas em livrarias) e mesmo se tudo se vende – pelo
menos para «Clairette» e os três primeiros «Kim Devil» -, as obras não são
propostas bastante caras para pagar todo mundo e, sobretudo, para liberar um
salário decente ao editor.
Portanto, as ideias não faltaram,
como aquela soberba exposição sobre nosso roteirista favorito que nós montamos
e colocamos em cena para o festival de Chambéry. Philippe Poirier foi o conceptor
gráfico, François Defaye o produtor executivo e eu escrevi os textos e escolhi
os documentos sob o cajado benevolente de Philippe Charlier. O quê quer que
seja, François falece, infelizmente, em 4 de maio de 2013, vítima de uma crise
cardíaca, à idade de 56 anos, enquanto ele estava associado com a editora
literária bordalesa Le Castor Astral, desde 2012; particularmente para
prosseguir a Collection Jean-Michel
Charlier e publicar uma biografia exaustiva de nosso Alexandre Dumas da 9ª
arte, em cuja ele me encarregou da redação, sempre com o aval de Philippe
Charlier. Impressa em 2000 exemplares por Le Castor Astral, essa imponente
obra, muito ilustrada (e muito bem diagramada por Philippe Poirier), encontrará
seu público e ficará a referência nesse domínio.
Nesse
momento da celebração do trigésimo aniversário do falecimento de Jean-Michel
Charlier, eu não posso me impedir de pensar na resposta que ele me deu, em
1987, na conclusão de minha longa entrevista realizada para o documentário
filmado realizado pela CNBDI: «Cada vez
que eu tenho uma nova ideia, eu imediatamente desejo concretizá-la por uma história
em quadrinhos, por uma grande reportagem, ou por um filme para a televisão. Eu
creio que é um modo de ficar jovem até certo ponto. Isso que faz que, em tudo
moderando assim mesmo minhas atividades, pois eu começo a me sentir um pouco
fadigado, eu penso que eu continuarei a produzir, se o céu o quiser bem
evidentemente, e enquanto a máquina se mantiver boa! Eu espero somente, como
dizem os americanos, morrer um dia em pé em minhas botas!» Eu não pensei
verdadeiramente, naquele momento, que aquele dia viria tão rapidamente...
Gilles
Ratier
Imagens:
1) Jean-Michel Charlier: extrato da divulgação do livro “Jean-Michel Charlier
vous raconte...” pela editora Le Castor Astral. 2) Gilles Ratier: fotografia do
escritor com “Jean-Michel Charlier vous raconte...”, livro de sua autoria –
arquivo pessoal. 3) Logomarca da homenagem do blogue Blueberry a Jean-Michel
Charlier por ocasião dos 30 anos de sua morte (1989 – 2019).
Jean-Michel
Charlier et moi © Gilles Ratier 2019
Un grand merci à Gilles Ratier pour le texte, exclusif
pour le blog Blueberry, en hommage à Jean-Michel Charlier, l’Alexandre Dumas de
la bande dessinée, pour occasion des 30 années du son décès.
Um grande agradecimento a Gilles Ratier pelo texto,
exclusivo para o blogue Blueberry, em homenagem a Jean-Michel Charlier, o
Alexandre Dumas da história em quadrinhos, por ocasião dos 30 anos do seu
falecimento.
Afrânio Braga
Nenhum comentário:
Postar um comentário